Tribunes

Le sport : extension du domaine du luxe

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Author : Anaïs Guillemané Mootoosamy

Read time : 7 mins

Date : 2025-04-15

Mbappé en une de GQ, des crampons sur les podiums, LVMH à League of Legends… et si le luxe avait enfin trouvé son nouveau terrain de jeu ?

Luxe et sport furent longtemps deux univers de passionnés aux audiences quasi exclusives l’une à l’autre.

Alors, bien entendu, on pourrait citer les quelques exceptions, qu’il s’agisse d’Hermès dont l’origine le lie irrémédiablement à la sellerie et la pratique hippique, ou encore la présence des marques horlogères dans l’athlétisme, le tennis, le golf ou encore la voile comme témoin de leur précision et de leur inscription dans une pratique plutôt élitiste si ce n’est classieuse.

 

Nous étions loin des tribunes aux clameurs populaires et des tifos.

Pourtant, nombre de sponsorings et d’actions de communication récentes font démentir cette règle qui semblait immuable.

 

Kylian Mbappé égérie de luxe, la tendance bloke-core sur les podiums parachevée par la collaboration entre Able Made -la marque inspirée par l’univers du football anglais- et Burberry, le sponsoring du Paris FC par la famille Arnault, sans oublier le coup de maître du groupe LVMH lors des Jeux et l’incursion remarquée et célébrée dans le monde du e-sport en faisant de sa marque patronymique ,la tenante du championnat de League of Legends.

 

Assistons-nous à une nouvelle ère, celle du sport pop’uxury ?

 

Derrière ce mouvement se dessinent des courants différents, voire opposés.

 

Tout d’abord celui, bien connu de l’univers du luxe, de la transgression symbolique.

 

Le sport y est ici un Ailleurs, chargé de symboles, de pratiques, aussi éloignés -sociologiquement- qu’une contrée lointaine l’était pour Yves Saint Laurent. On ne parle plus de collections inspirées par le Japon, la Chine ou la Russie -qui pourrait être frappé de l’infamant épithète de réappropriation culturelle-, mais d’un voyage convoquant, comme un exotisme, les pratiques d’une autre classe sociale et de ses icônes culturelles. Le football Anglais, les mulets, les danses de rue deviennent ainsi une source inépuisable pour qui veut transgresser les conventions du luxe, opérant une transsubstantiation de l’infamant en élitisme de niche, donnant -s’il le fallait encore- la preuve symbolique d’une société éminemment archipélisée.

 

 

Mais un autre mouvement s’opère, qui lui, dit plus de l’évolution du core-business de cette industrie et de ses enjeux.

 

Il s’agit de l’extension du domaine du luxe.

 

Le luxe s’est défini historiquement par une forme de rareté. Etaient luxueux certains pigments qui, une fois leur production en masse permise par des inventions scientifiques, perdaient toute leur valeur.

Mais, à mesure que le luxe s’est transformé en une industrie, présente dans le monde entier, se pose la question de comment recharger la machine à rêver et nourrir la rareté.

 

C’est là que se met en œuvre un mouvement contre-intuitif.

 

Pour continuer à être rare, les marques de luxe se doivent de couvrir un champ plus large. Plus visibles, plus présentes dans la société, elles accentuent le différentiel entre le nombre de personnes sensibles à leurs charmes et celui pouvant y accéder, nourrissant la pénurie par l’extension de la demande. Ce ne sont pas moins de 77% des prosumers -ces consommateurs en avance de phase- de l’étude Havas qui se disent désirer plus fortement les marques de luxe qui ont su collaborer avec des grands noms et acteurs de la culture pop.

 

Le sport et le e-sport qui sont l’une des passions les plus largement distribuée permet de nourrir cette équation.

 

Mathématiquement cela fonctionne, mais ce n’est qu’avec un certain doigté que la mécanique et la magie opèrent.

En n’apposant pas simplement un logo sur les espaces sponsors, mais en transformant les sports eux-mêmes, de l’intérieur.

En faisant de l’arrivée des joueurs un défilé haute couture, en ritualisant les remises de prix avec une attention au détail jamais atteinte auparavant, en signant des athlètes qui se feront porte-paroles et investiront leur image de marque par-delà les terrains, en somme en s’insérant à la culture d’excellence sportive et en renforçant sa portée symbolique et transformant ses pratiques.

 

Entre sports populaires et luxe, nous pourrions penser que les opposés s’attirent.

Dans les faits nous assistons à un mariage qui transforme ses parties prenantes et réussit qu’à la condition de faire projet commun.

Anaïs Guillemané Mootoosamy

Managing Director in charge of strategy - W Conran Design

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